lundi 29 janvier 2024

Exil, Saint-John Perse

" Que votre approche fût pleine de grandeur, nous le savions, hommes des villes , sur nos maigres scories
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Mais nous avions rêvé de plus hautaines confidences au premier souffle de l'averse
...


Et vous nous restituez, Ô Pluies ! à notre instance humaine, avec ce goût d'argile sous nos masques
...


Les pluies vertes se peignent aux glaces des banquiers
...


Aux linges tièdes des pleureuses s'effacera la face des dieux-filles
...


J'avais, j'avais ce goût de vivre chez les hommes 
Et voici que la terre exhale son âme étrangère 
..."


Extrait de Pluies, Exil , Saint-John Perse








 

mercredi 24 janvier 2024

Retour en atelier ...


" Celle qui sommeille encore dans le jour
La nuit de mer est sur sa face
Miroir d'une aube sans visage.

  
Et moi, je veille sur sa rive

Rongé d'un astre de douceur


  

 J'aurai pour celle qui m'entend

Les mots que d'homme ne sont mots " 

Saint-John Perse , Amers


J'aurai pour celle qui m'entend 

Des caresses qui de mer ne sont d'écume 

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samedi 20 janvier 2024

« Nous ne mourons pas / C’est le monde qui nous quitte », Edvard Munch...

 Ce matin, alors que la ville dormait encore, j'ai repris la route du Ramdam

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J'avais rendez-vous avec un film du réalisateur Henrik Martin Dahlsbakken 


Le film Munch, de Henrik Martin Dahlsbakken nous plonge au cœur de la psyché du peintre génial du Cri. Filmant quatre époques distinctes, avec quatre styles en accord, Munch dresse un portrait mental d’un artiste passionné – et parfois possédé – par les émotions. Le jeune réalisateur Henrik Martin Dahlsbakken propose une vision contemporaine et resserrée de l’artiste norvégien, dans un biopic aussi audacieux que réjouissant, Munch. Le metteur en scène s’intéresse moins aux techniques de travail et aux détails historiques de la vie du génie norvégien qu’aux émotions puissantes, allant parfois jusqu’aux troubles mentaux, qui l’ont traversé et ont nourri son œuvre.

Un artiste, quatre possibilités

Pour tenter de projeter sur grand écran la vie intérieure de cet avant-gardiste tourmenté, et comprendre son processus de création, Dahlsbakken a fait un choix fort : diffracter son film en quatre tableaux, chacun proposant une période, une esthétique, une thématique et des interprètes différents – dont une femme (Anne Krigsvoll). Le film s’ouvre sur un Edvard Munch déjà vieux et malade, réfugié parmi ses tableaux dans un manoir visité par les nazis – le peintre s’éteindra en janvier 1944. Les trois autres périodes de sa vie relatées correspondent à sa vingtième année baignée de lumière douce, sa fréquentation exaltée de l’intelligentsia anarchiste à Berlin dix ans plus tard, et son internement dans un hôpital psychiatrique à Copenhague à 45 ans, où il échange sans relâche avec un médecin sur la nature de l’art, le poids du génie et la possibilité d’une guérison.

Si l’on connaît surtout Munch pour ses tableaux sombres et angoissés (Le CriL’Enfant maladeL’Amour et la Douleur…), on oublie parfois qu’il fut aussi, par intermittence, un peintre de la joie et de la douceur de vivre. Le film rejoue volontiers cette esthétique joyeuse et insouciante, grâce à une photographie irisée et un jeune acteur dont la douceur angélique laisse parfois deviner les tourments futurs du peintre (magnifique Alfred Ekker Strande, dans son premier rôle). Au cours des quatre chapitres du film, qui alternent et se répondent thématiquement, le réalisateur mobilise des procédés variés (noir et blanc intense, naturalisme, caméra portée…) faisant écho aux techniques elles-mêmes diverses utilisée par Munch : fusain, crayon, pastel, huile, toile grattée, matière appliquée au couteau.

“L’émotion est un mode de pensée”

Henrik Martin Dahlsbakken concentre son propos sur l’intériorité de l’artiste, dont les toiles apparaissent finalement peu à l’écran – sauf dans les dernières minutes du film. « L’histoire n’est pas essentielle, l’important est de trouver une sorte de fréquence, une émotion précise », affirme le jeune Munch à une femme écrivaine dont il est amoureux, et qui lui reproche de ne pas s’intéresser suffisamment au réel. « L’émotion est un mode de pensée », répond-il, fâché à l’idée que son art pourrait être réduit à une futile expérience plastique. Souvent présenté comme le père de l’expressionnisme, Munch assure plus loin « voir à travers les masques de tous les êtres ». Ses œuvres tragiques et solennelles dévoilent peut-être mieux que quiconque la vérité douloureuse de la condition humaine.

Le chapitre berlinois du film déroutera peut-être certains spectateurs. Le réalisateur s’amuse en effet, non sans talent, à transposer la vie de Munch dans le Berlin d’aujourd’hui. Le protagoniste est dépeint en hipster à la peine, rejeté par le monde de l’art – comme le fut Munch à la fin du XIXe siècle – qui hurle de rage dans les WC d’une boîte de nuit après une humiliation publique. Une naissance du Cri fantasmée, historiquement fausse mais sans doute fidèle à l’état émotionnel qui a saisi le peintre au moment de dessiner son tableau. « Nous abordons la vie avec sarcasme et ironie, pour maintenir la réalité à distance, au lieu de l’accepter avec sincérité », clame Edvard à un ami qu’il juge trop débonnaire. Munch, ou la défense quasi sacrificielle du premier degré, mais mise au service d’un style fiévreux, extravagant et impudique. Étrange alliage, que le film restitue avec justesse.

                                                              Le cliché vrai du génie torturé

Dans le ciel rouge du Cri, se cache une phrase : « Ne peut avoir été peint que par un fou. » Munch l’a lui-même inscrite, probablement après qu’une de ses expositions à Oslo (anciennement appelée Christiania) a fait un scandale. La question de la folie traverse Munch, surtout dans la partie en noir et blanc située à Copenhague. « Au fond, je suis un peu comme vous docteur, je me suis donné comme mission d’aider les autres et moi-même à comprendre les émotions », glisse un Munch dépressif, au bord de l’effondrement, à son psychiatre. Et ce dernier de rétorquer, pour le rassurer, qu’à force d’étudier « l’anatomie mentale des génies », il était persuadé que ces derniers souffraient d’un « déséquilibre spirituel trop souvent confondu avec la folie. » « Goethe était-il fou quand il a écrit Werther ? Kierkegaard ? Ou simplement étaient-ils accablés par l’angoisse, indissociable du génie, comme une fatalité ? »

Le rapport entre génie et folie est, assurément, un cliché de la création artistiqueCe qui est intéressant ici, c’est de voir comment un créateur peut vivre au quotidien cette potentielle condition, et jusqu’où il peut croire à ce topos. Que Munch ait été un artiste tourmenté, torturé même, dès ses plus jeunes années, est un fait indéniable. Mais n’y a-t-il pas aussi, quelque part, une dimension performative dans sa création ? Le plaisir de peindre un ciel en rouge, l’audace d’effacer les visages d’amants enlacés ou la jubilation à contorsionner le sol au point de le transformer en spirale, ces coups de force ne sont-ils pas également des gestes gratuits, des intuitions merveilleuses quant aux possibilités de la matière ? À force de s’entendre dire que son style était trop « nerveux », « maladif » ou « détraqué », on en vient à penser que Munch a peut-être excessivement cru ses détracteurs – comme si sa psyché avait fini par se conformer à ce qu’on croyait savoir de lui.

Extrait de Philosophie magazine, Ariane Nicolas

L'intelligence du parti pris du réalisateur est à la hauteur des audaces de Munch ...

4 étapes de la vie du peintre s'entrecroisent sans volonté chronologique avec une intervention osée de scènes et de musiques plus contemporaines, de la couleur au noir et blanc, de l'image cinématographique à la photo .
Le réalisateur qui était présent pour la diffusion du film explique ce choix afin de souligner la modernité du peintre du pionnier de l'expressionisme , les choix musicaux nous faisant entrer ponctuellement dans son cerveau torturé .

La succession de tableaux présents à la fin de ce long métrage comme un tableau rétrospectif qui nous attend en fin de vie, au passage du seuil ...

Les dialogues enfin, extraits pour certains des correspondances de Munch avec le psychiatre qui l'a suivi lors de son passage dans un  sanatorium et après témoigne des réflexions du peintre sur le processus créatif .

            

         


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Il est des films à voir et à revoir 

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vendredi 19 janvier 2024

Hors zone de confort ...



Je suis partie à pied 
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Prendre le temps des empreintes et des paysages avant de plonger pour une journée Ramdam 
Hors zone de confort 
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La ville appelait un nouveau regard 
Crissait la neige sous les pas   
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La mémoire du temps qui passe mais aussi le souvenir de ces femmes qui ont défendu la liberté 
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Merci au Ramdam de maintenir nos consciences à vif par leurs propositions de films 
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Et d'aller à la rencontre de Nan Goldin, photographe engagée qui a été une des premières femmes à oser photographier et montrer la normalité , en parallèle de sa propre histoire, pas vraiment en parallèle d'ailleurs ... Elle s'est nourrie de sa biographie et des milieux qu'elle côtoyait pour témoigner et dénoncer : dénoncer l'addiction et les morts dues aux médicaments mis en vente par la famille Sackler, témoigner des victimes du sidas, témoigner du blanchiment d'argent sous couvert de mécénat artistique ... " Toute la beauté et le sang versé " nous entraîne au coeur même de sa biographie, de sa démarche artistique, de ses combats politiques ...

Ce film a nouveau m'interroge sur ma propre démarche artistique, sur mes limites d'acceptation, sur mon mal aise et jugement face à certains milieux ...
Il y a cette tolérance idéaliste que je prône et la réalité de mes réactions d'âme ...
Réactions qui d'ailleurs s'estompent quand je dépasse les " jugements à priori " pour me tourner vers la rencontre de l'individualité , vers l'ouverture aux chemins d'âmes et au sens de la réincarnation, aux sens des rencontres fortuites ou choisies ...


Et de plonger après une courte transition en Deep Rising, dans l'une des exploitations industrielles les plus méconnues de notre siècle, à savoir l'extraction minière des eaux profondes .
Et le choc est brutal entre le beauté et la richesse des fonds marins filmés et la violence de l'extraction des nodules marins, riches de métaux à l'aide de monstres de technologies broyant tout sur leur passage , sous couvert de préoccupation écologique ...
Ces nodules - dont j'ignorais je l'avoue tout de l'existence - mettent des millions d'années à se former, dans un temps hors du temps effréné de nos sociétés, riches de métaux rares et indispensables à la fabrication de batteries notamment de véhicules électriques ...
Le film nous ramène également sur terre , des conséquences de l'exploitation au désert d'Atacama ) aux menaces qui pèsent sur la survie des populations autochtones de Papouasie par l'exploitation industrielle des fonds marins .

Et de m'interroger à nouveau sur ma propre consommation, sur ma responsabilité d'acceptation , sur les impositions faites par les gouvernements au niveau de la voiture électrique ect ..., 
sur la fidélité 
- ou non - que j'ai eu face au soutien des producteurs locaux au moment du covid ...
Car le souvenir du covid est souvent présent en filigrane dans ces films, des séquences photographiées par Nan Goldin ou des réunions politiques dans Deep Rising, les masques portés disent cette époque et réveillent en moi le questionnement sur la toute puissance pharmaceutique et philosophique de ce qui nous était imposé ...
Je suis fière d'avoir résisté envers et contre tout ... 


L'engagement et la défense des peuples autochtones est à nouveau au coeur de " La fleur de Buriti " . A travers les yeux de sa fille, Patpro va parcourir 3 époques de l'histoire de son peuple indigène, au coeur de la forêt brésilienne.
De tentatives d'exterminations par les "Cupés", guidés par leur amour de la nature, la fidélité à leurs rites ancestraux , les Krâho s'engagent et témoignent, ils résistent aux pressions militaires et s'allient avec d'autres représentants de tribus pour préserver leurs terres et leurs droits .



Le témoignage des intervenants après le film ont éclairé et m'ont amenée à la conscience une réalité de notre monde et à nouveau à quel point les tribus autochtones n'ont de cesse de préserver leur autonomie mais également d'être garants de la sauvegarde de la nature ...

En quoi suis-je garante de ce respect ?
Le sentiment d'impuissance souvent me fait baisser les bras ...
Je reprends la route, riche et malmenée à la fois par ces témoignages 
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Je regarde l'eau couler et je pense à Yves qui a terminé sa vie sous eau 
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 Je devine voler un Petit colibri ...
Je sais que je serai librement vigilante aux conséquences des mes engagements et acceptations , en éveil de ma responsabilité par rapport à l'humain et à l'avenir de la terre et de l'humanité 
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Au moment où je publie ces mots, je découvre le travail de margaret et Christine wertheim
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https://www.margaretwertheim.com/crochet-coral-reef
https://crochetcoralreef.org/about/theproject/




Merci à chaque témoin de notre époque 
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mercredi 17 janvier 2024

Bribes d'instants ...



Une fois par an, à Tournai, a lieu le Ramdam, le festival du film qui dérange 
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J'ai vu , il y a quelques jours Tehachapi ...
Touchée en plein coeur 
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J'y ai découvert également la démarche d'un artiste que je ne connaissais pas ...
JR
https://www.jr-art.net/fr


Je suis émue par cette démarche, l'engagement et le témoignage de chacun mais surtout le droit à être vu, à être reconnu dans son individualité...
Quel sera l'à venir de chacun en et en dehors de Tehachapi ?
Quel est le sens de nos destinées ? 
Quelle est la responsabilité des rencontres biographiques ?
Tant et tant de questions ?






Je me laisse toucher encore et encore par l'humain
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Je pense à Ernest Pignon Ernest 


A ces artistes qui sortent dans la rue et s'engagent 
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J'ai aussi vu le film Bonnard, Pierre et Marthe 
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J'avoue être sortie très mitigée de ce film que j'ai trouvé assez ennuyeux 
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Le portrait intimiste du film peint essentiellement la rencontre entre Pierre et Marthe et accessoirement de Renée au service de la création du peintre ...
On y croise Vuillard, Monet et d'autres encore ...
On entre là dans la sphère intime des personnages, dans la présence discrète - ou non - des muses derrières les artistes ...
La nourriture de l'Œuvre d'art devenant alors le quotidien révélé par les couleurs et l'observation des nuances, des touches de lumière 
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Et de m'interroger 
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Quel est mon engagement ?
Il a été pendant des années d'accompagner en Hôpital psychiatrique au sein d'un atelier artistique, de partager et contribuer à des fragments de biographie , d'être témoin par mon écoute ...
Il est de témoigner de mes démarches, de mon lien à la nature, à l'humain, à mes moments de révolte face aux injustices, à la pacification grâce aux simples de chaque instant
 ......
Se cachent sous les mots et les peintures les instantanés de vie 
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 Tombe la neige 
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Silencieuse
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Patiente 
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Je récolte de l'eau de neige et de pluie en ce début d'année pour accompagner mes prochaines recherches alchimiques 
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Le rosier rougit aux caresses hivernales 
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