samedi 20 janvier 2024

« Nous ne mourons pas / C’est le monde qui nous quitte », Edvard Munch...

 Ce matin, alors que la ville dormait encore, j'ai repris la route du Ramdam

...


          


       


J'avais rendez-vous avec un film du réalisateur Henrik Martin Dahlsbakken 


Le film Munch, de Henrik Martin Dahlsbakken nous plonge au cœur de la psyché du peintre génial du Cri. Filmant quatre époques distinctes, avec quatre styles en accord, Munch dresse un portrait mental d’un artiste passionné – et parfois possédé – par les émotions. Le jeune réalisateur Henrik Martin Dahlsbakken propose une vision contemporaine et resserrée de l’artiste norvégien, dans un biopic aussi audacieux que réjouissant, Munch. Le metteur en scène s’intéresse moins aux techniques de travail et aux détails historiques de la vie du génie norvégien qu’aux émotions puissantes, allant parfois jusqu’aux troubles mentaux, qui l’ont traversé et ont nourri son œuvre.

Un artiste, quatre possibilités

Pour tenter de projeter sur grand écran la vie intérieure de cet avant-gardiste tourmenté, et comprendre son processus de création, Dahlsbakken a fait un choix fort : diffracter son film en quatre tableaux, chacun proposant une période, une esthétique, une thématique et des interprètes différents – dont une femme (Anne Krigsvoll). Le film s’ouvre sur un Edvard Munch déjà vieux et malade, réfugié parmi ses tableaux dans un manoir visité par les nazis – le peintre s’éteindra en janvier 1944. Les trois autres périodes de sa vie relatées correspondent à sa vingtième année baignée de lumière douce, sa fréquentation exaltée de l’intelligentsia anarchiste à Berlin dix ans plus tard, et son internement dans un hôpital psychiatrique à Copenhague à 45 ans, où il échange sans relâche avec un médecin sur la nature de l’art, le poids du génie et la possibilité d’une guérison.

Si l’on connaît surtout Munch pour ses tableaux sombres et angoissés (Le CriL’Enfant maladeL’Amour et la Douleur…), on oublie parfois qu’il fut aussi, par intermittence, un peintre de la joie et de la douceur de vivre. Le film rejoue volontiers cette esthétique joyeuse et insouciante, grâce à une photographie irisée et un jeune acteur dont la douceur angélique laisse parfois deviner les tourments futurs du peintre (magnifique Alfred Ekker Strande, dans son premier rôle). Au cours des quatre chapitres du film, qui alternent et se répondent thématiquement, le réalisateur mobilise des procédés variés (noir et blanc intense, naturalisme, caméra portée…) faisant écho aux techniques elles-mêmes diverses utilisée par Munch : fusain, crayon, pastel, huile, toile grattée, matière appliquée au couteau.

“L’émotion est un mode de pensée”

Henrik Martin Dahlsbakken concentre son propos sur l’intériorité de l’artiste, dont les toiles apparaissent finalement peu à l’écran – sauf dans les dernières minutes du film. « L’histoire n’est pas essentielle, l’important est de trouver une sorte de fréquence, une émotion précise », affirme le jeune Munch à une femme écrivaine dont il est amoureux, et qui lui reproche de ne pas s’intéresser suffisamment au réel. « L’émotion est un mode de pensée », répond-il, fâché à l’idée que son art pourrait être réduit à une futile expérience plastique. Souvent présenté comme le père de l’expressionnisme, Munch assure plus loin « voir à travers les masques de tous les êtres ». Ses œuvres tragiques et solennelles dévoilent peut-être mieux que quiconque la vérité douloureuse de la condition humaine.

Le chapitre berlinois du film déroutera peut-être certains spectateurs. Le réalisateur s’amuse en effet, non sans talent, à transposer la vie de Munch dans le Berlin d’aujourd’hui. Le protagoniste est dépeint en hipster à la peine, rejeté par le monde de l’art – comme le fut Munch à la fin du XIXe siècle – qui hurle de rage dans les WC d’une boîte de nuit après une humiliation publique. Une naissance du Cri fantasmée, historiquement fausse mais sans doute fidèle à l’état émotionnel qui a saisi le peintre au moment de dessiner son tableau. « Nous abordons la vie avec sarcasme et ironie, pour maintenir la réalité à distance, au lieu de l’accepter avec sincérité », clame Edvard à un ami qu’il juge trop débonnaire. Munch, ou la défense quasi sacrificielle du premier degré, mais mise au service d’un style fiévreux, extravagant et impudique. Étrange alliage, que le film restitue avec justesse.

                                                              Le cliché vrai du génie torturé

Dans le ciel rouge du Cri, se cache une phrase : « Ne peut avoir été peint que par un fou. » Munch l’a lui-même inscrite, probablement après qu’une de ses expositions à Oslo (anciennement appelée Christiania) a fait un scandale. La question de la folie traverse Munch, surtout dans la partie en noir et blanc située à Copenhague. « Au fond, je suis un peu comme vous docteur, je me suis donné comme mission d’aider les autres et moi-même à comprendre les émotions », glisse un Munch dépressif, au bord de l’effondrement, à son psychiatre. Et ce dernier de rétorquer, pour le rassurer, qu’à force d’étudier « l’anatomie mentale des génies », il était persuadé que ces derniers souffraient d’un « déséquilibre spirituel trop souvent confondu avec la folie. » « Goethe était-il fou quand il a écrit Werther ? Kierkegaard ? Ou simplement étaient-ils accablés par l’angoisse, indissociable du génie, comme une fatalité ? »

Le rapport entre génie et folie est, assurément, un cliché de la création artistiqueCe qui est intéressant ici, c’est de voir comment un créateur peut vivre au quotidien cette potentielle condition, et jusqu’où il peut croire à ce topos. Que Munch ait été un artiste tourmenté, torturé même, dès ses plus jeunes années, est un fait indéniable. Mais n’y a-t-il pas aussi, quelque part, une dimension performative dans sa création ? Le plaisir de peindre un ciel en rouge, l’audace d’effacer les visages d’amants enlacés ou la jubilation à contorsionner le sol au point de le transformer en spirale, ces coups de force ne sont-ils pas également des gestes gratuits, des intuitions merveilleuses quant aux possibilités de la matière ? À force de s’entendre dire que son style était trop « nerveux », « maladif » ou « détraqué », on en vient à penser que Munch a peut-être excessivement cru ses détracteurs – comme si sa psyché avait fini par se conformer à ce qu’on croyait savoir de lui.

Extrait de Philosophie magazine, Ariane Nicolas

L'intelligence du parti pris du réalisateur est à la hauteur des audaces de Munch ...

4 étapes de la vie du peintre s'entrecroisent sans volonté chronologique avec une intervention osée de scènes et de musiques plus contemporaines, de la couleur au noir et blanc, de l'image cinématographique à la photo .
Le réalisateur qui était présent pour la diffusion du film explique ce choix afin de souligner la modernité du peintre du pionnier de l'expressionisme , les choix musicaux nous faisant entrer ponctuellement dans son cerveau torturé .

La succession de tableaux présents à la fin de ce long métrage comme un tableau rétrospectif qui nous attend en fin de vie, au passage du seuil ...

Les dialogues enfin, extraits pour certains des correspondances de Munch avec le psychiatre qui l'a suivi lors de son passage dans un  sanatorium et après témoigne des réflexions du peintre sur le processus créatif .

            

         


...
Il est des films à voir et à revoir 

...


















Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire